IntroductionL’uvéite est l’inflammation intraoculaire qui touche l’uvée. L’uvéite granulomateuse se caractérise par des précipités de cellules inflammatoires de grande taille sur l’endothélium cornéen, appelés « en graisse de mouton », des nodules inflammatoires sur le bord de la pupille (nodules de Koeppe) ou dans le stroma de l’iris (nodules de Busacca). C’est une pathologie relativement peu décrite, sa prise en charge diagnostique et thérapeutique ne bénéficie toujours pas de protocoles bien codifé. Nous avons essayé d’en dégager ses caractéristiques cliniques et thérapeutiques ainsi que leur profil étiologique.Patients et méthodesIl s’agit d’une étude rétrospective réalisée au sein de notre service colligeant 22 patients présentant une uvéite granulomateuse sur une période de 5 ans (janvier 2015–décembre 2020). Le diagnostic d’uvéite granulomateuse était basé sur l’examen clinique ophtalmologique. Tous les patients ont bénéficié d’une enquête étiologique comportant un interrogatoire, un examen physique complet et un bilan systématique (NFS, dosage de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, une biopsie des glandes salivaires accessoires, une IDR à la tuberculine, recherche de Bacille de Koch dans les crachats, sérologies virales(HSV,CMV),la syphilis, la toxoplasmose et la radiographie du thorax). Les modalités thérapeutiques et évolutives ont été analysées.RésultatsIl s’agissait de 19 femmes et 3 hommes (sex ratio F/H = 6,33) dont l’âge moyen était de 36,8 ± 15,2 ans (extrêmes de 17 à 69 ans). L’uvéite granulomateuse était révélée par une baisse de l’acuité visuelle chez 90 % des cas, une rougeur oculaire chez 81 % des cas et des douleurs oculaires chez 31 % des cas. Elle était unilatérale chez 18 % des cas et bilatérale chez 81,8 % des cas. Il s’agissait d’une uvéite antérieure dans 5 cas (22 %), d’une panuvéite 5 cas (22 %), intermédiaire dans 3 cas (14 %) et elle touchait le segment postérieur dans 9 cas (42 %). Elle était sévère par la présence d’un œdème maculaire dans deux cas et d’un décollement rétinien dans trois cas. L’uvéite était associée à une vascularite rétinienne dans 3 cas (13,6 %). L’enquête étiologique révélait une sarcoïdose dans 5 cas (22 %), une granulomatose avec polyangéite dans 3 cas (13,6 %), un syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada dans 2 cas (9 %), une tuberculose dans 2 cas (9 %), une infection à HSV dans un cas et une maladie de Behcet dans un cas. L’enquête étiologique est en cours chez 2 cas et était négative chez le reste des patients (soit 27 % des cas). Le traitement était basé sur une corticothérapie systémique chez 19 patients (86 %), un traitement immunosuppresseur par Cyclophosphamide avec relais par Azathioprine chez 7 patients (33 %), un traitement par anti-TNF dans 6 cas (27 %), méthotrexate dans 5 cas (22 %) et un traitement antituberculeux chez 2 patients. L’évolution était favorable dans 54,5 % des cas avec une rémission chez 33 % des cas et amélioration chez 22 % des cas. Des complications étaient notées chez 27 % des malades : apparition d’une cataracte chez 4 malades avec une hypertonie associée dans un cas. Un diabète induit chez un patient et un trouble psychiatrique chez un patient.ConclusionLes uvéites granulomateuses sont rarement reportées et représentent un défi diagnostique et thérapeutique permanent pour l’ophtalmologiste et l’interniste. La mise en jeu du pronostic visuel impose une démarche diagnostique exhaustive et une intensification thérapeutique progressive.