Maladies provoquées par les Bartonella
Auteurs : Piémont Y1, Bermond DLes Bartonella sont des bactéries de connaissance ancienne puisque la première espèce décrite, Bartonella bacilliformis a été décrite microscopiquement en 1909 par le médecin péruvien Alberto Barton [1] et cultivée en 1926 par Noguchi et Battistini [2]. L'aire de répartition de cette bactérie est restreinte puisque limitée à des vallées andines du sud de l'Équateur, de Colombie et surtout du Pérou, situées entre 700 et 2 500 m d'altitude. Cette « nouvelle » bactérie présentait des propriétés originales, puisqu'elle était capable de se multiplier dans les globules rouges humains, et était de ce fait responsable d'une anémie hémolytique aiguë souvent mortelle appelée fièvre de Oroya. Parallèlement, dans cette région sévissait une maladie très différente, la verruga peruana. Celle-ci se traduisait par le développement de tumeurs verruqueuses de la peau et des muqueuses. Ces lésions s'installaient insidieusement et pouvaient durer plusieurs mois ou années en l'absence de traitement. En fait on ignorait que ces deux entités étaient les manifestations différentes d'une seule et même maladie, jusqu'à l'expérimentation que Daniel Alcides Carrion, jeune étudiant en médecine de 26 ans effectua sur lui-même en 1885. Il s'inocula du sang prélevé d'une végétation d'un patient atteint de verruga peruana. Vingt et un jours plus tard, il développa une fièvre persistante avec frissons et arthralgies. Il devait mourir trente-neuf jours après l'inoculation, avec les symptômes de la fièvre de Oroya. Ainsi il démontra que ces deux entités étaient l'expression d'une même maladie appelée depuis maladie de Carrion [P. Mariet, thèse de Docteur en Pharmacie, Strasbourg, 1998]. Enfin, depuis lors il a été démontré que des porteurs sains de cette bactérie pouvaient souvent être détectés par hémoculture dans cette région. Cette affection aux manifestations cliniques variées est appelée bartonellose ou maladie de Carrion. Dès 1928, Battistini montra que des phlébotomes appartenant au genre Lutzomyia étaient les vecteurs de ces bactéries. L'infestation de ces arthropodes s'effectue lors du repas sanguin effectué sur le seul réservoir de germes connu, l'homme, porteur sain, présentant une bactériémie asymptomatique ou symptomatique. Cet historique met en évidence de nombreuses caractéristiques des espèces appartenant au genre Bartonella : il s'agit de bactéries hémotropes, transmises par des arthropodes hématophages et responsables de manifestations cliniques polymorphes ; ces bactéries peuvent être fréquemment présentes dans le torrent sanguin sans aucun signe clinique apparent. Le genre Bartonella ne comportait qu'une seule espèce jusqu'en 1993. Depuis cette date, le nombre d'espèces contenues dans le genre Bartonella a crû de façon importante pour deux raisons : la reclassification dans le genre Bartonella de bactéries antérieurement décrites dans un autre genre bactérien (Rickettsia, Rochalimaea, Grahamella) et la découverte plus récente de nouvelles espèces bactériennes à partir de la faune domestique et sauvage. L'évolution des connaissances a grandement bénéficié des techniques de biologie moléculaire.