La cationisation, un procédé de vectorisation des anticorps dans le système nerveux central. Problèmes recontrés pour son application dans le cadre de stratégies d'immunothérapie comme celles des intoxications clostridiales.
Auteurs : Hervé F1, Ouzilou-Girod J, Scherrmann JMLe système nerveux central est isolé du reste de l'organisme par la barrière hémato-encéphalique. La présence de cette barrière empêche la pénétration cérébrale de nombreuses molécules, comme les anticorps, ce qui rend difficile leur utilisation pour le traitement de maladies du système nerveux, telles que le tétanos et le botulisme. Ces deux maladies sont provoquées par des bactéries du genre Clostridium qui libèrent des toxines dont le neurotropisme est maintenant bien connu. Dès lors qu'elles ont pénétré le système nerveux central, ces toxines deviennent inaccessibles à des anticorps spécifiques, alors que ces molécules sont efficaces dans le traitement des risques tétanique et botulique, c'est à dire lorsque les toxines sont localisées en périphérie. Différentes techniques neurochirurgicales peuvent être utilisées pour délivrer les anticorps dans le cerveau. Néanmoins, les stratégies de délivrance fondées sur l'utilisation de mécanismes ou de systèmes de transport existant naturellement au niveau des cellules de la barrière hémato-encéphalique sont plus prometteuses. La cationisation des protéines est un procédé chimique qui consiste à augmenter la densité de charges positives de ces molécules afin de favoriser leurs interactions avec les charges négatives présentes à l'intrados des capillaires cérébraux. Appliqué aux anticorps, ce procédé de vectorisation permet la pénétration de ces macromolécules dans le cerveau par un mécanisme de transcytose médiée par adsorption. Les études in vivo et in vitro réalisées avec une grande variété d'anticorps cationisés font apparaître de nombreuses difficultés pour la mise en place de stratégies d'immunothérapie fondées sur l'utilisation de ces molécules. Ces difficultés concernent, entre autres, une possible altération de la fonction des anticorps due à la cationisation, et une modification de la cinétique et de la distribution tissulaire des anticorps cationisés due au radiomarquage de ces molécules et/ou leur fixation à des facteurs sériques. Plusieurs types de vecteurs aminés (hexaméthylènediamine, polyamines naturelles) sont utilisés pour cationiser les anticorps. Les résultats de capture cérébrale obtenus avec une variété de protéines cationisées par ces différentes amines semblent indiquer l'existence d'une plus grande spécificité cérébrale pour les molécules modifiées par les polyamines naturelles que pour celles modifiées par l'hexaméthylènediamine. La mise en place de modèles expérimentaux permettant de vérifier l'efficacité thérapeutique des anticorps cationisés, une fois ceux-ci vectorisés dans le cerveau, s'avère nécessaire. Malgré l'existence de nombreuses difficultés, les études décrites dans cette synthèse, ainsi que les acquis dans le domaine de l'ingénierie et de la fragmentation des anticorps, permettent d'envisager de nouvelles orientations thérapeutiques des intoxications provoquées par les neurotoxines clostridiales.