Réflexions sur la prise en charge d'épisode dépressif majeur (EDM) chez les patients infectés par le virus de l'hépatite C (VHC) traités par interféron alpha à partir d'une étude rétrospective concernant 29 patients.
Auteurs : Lang JP1, Halleguen O, Vecchionacci V, Doffoel MÀ l'heure des nouveaux protocoles thérapeutiques et de la curabilité de l'infection par le VHC il est primordial de multiplier les indications de traitement antiviral, d'en favoriser l'observance et de limiter les ruptures thérapeutiques. Les troubles dépressifs sont probablement le principal écueil de cette prise en charge. La méconnaissance de ces troubles et la sous-utilisation d'une prise en charge spécialisée psychiatrique cohérente en ce domaine sont très clairement préjudiciables au patient et à sa maladie (non-accès au traitement par interféron, mauvaise observance, rupture de traitement antiviral abusif...); Méthodes et objectifs -24 patients (15 hommes et 9 femmes) sous interféron alpha (classique ou pégylé) présentant un épisode dépressif majeur (selon le DSM IV) pouvant justifier l'interruption de leur traitement et 5 patients (4 hommes et 1 femme) dépressifs uniquement après l'arrêt de leur traitement antiviral ont consulté en urgence le psychiatre du réseau qui leur a proposé une prise en charge immédiate (traitement psychotrope, psychothérapie, hospitalisation...) ainsi qu'un suivi spécialisé au long cours (jusqu'à plusieurs mois après l'arrêt de l'interféron pour les premiers). À partir de ce suivi et d'un questionnaire rétrospectif proposé au patient, nous avons essayé d'évaluer l'existence ou non des antécédents d'EDM ou de contamination toxicomaniaque comme facteurs à risque d'apparition d'EDM sous interféron alpha, de réfléchir sur les facteurs à risque d'EDM suivant l'arrêt d'un traitement par interféron alpha, et de démontrer l'intérêt majeur d'une prise en charge psychiatrique au sein d'un réseau organisé pour éviter une rupture abusive de traitement antiviral. Résultats - Parmi les 29 patients suivis régulièrement pendant et après leur traitement antiviral, 23 (79,3 %) ont bénéficié d'un traitement antidépresseur adapté à la situation clinique (82,6 % des antidépresseurs initialement prescrits n'ont pas été modifiés) associé à la psychothérapie, 4 (13,7%) ont été hospitalisés dans le service de psychiatrie où travaille le psychiatre du réseau, un a fait une tentative de suicide (TDS) impulsive sans trouble dépressif associé (hospitalisation, pas de rupture de traitement antiviral). Plus de 90 % des patients ont pu mener leur traitement à terme. Par contre, 7 patients (24,1 %) ont fait un EDM dans les trois mois suivant l'arrêt de leur traitement (5 patients ont consulté pour la première fois après l'arrêt de leur interféron qui avait été bien toléré et efficace). Les patients présentant des antécédents personnels d'EDM (10 patients, 41,7%) n'ont pas significativement plus de risque de faire un EDM sous interféron alpha que les patients sans antécédent d'EDM (14 patients, 58,3 %). Les patients estimant de façon certaine avoir été contaminés par un usage à risque de drogue (13 patients, 54 %) n'ont pas significativement plus de risque de faire un EDM sous interféron alpha que les patients estimant de façon certaine avoir été contaminés par une autre situation à risque (11 patients, 46 %). Les hommes semblent plus fragiles psychologiquement à un traitement par interféron alpha; 78,5% (11 patients) des patients déjà traités par le passé par interféron alpha (14 patients) ont estimé que la prise en charge psychiatrique leur a apporté un bénéfice indéniable au niveau de leur confort psychologique et social.