L’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) a une prévalence évaluée à 1,2 % de la population française dont 80 % sont porteurs chroniques du virus, avec comme principale complication d’un tel état la survenue d’une cirrhose dans 15 à 20 % des cas dans un délai moyen de 15 à 20 ans. L’association de l’interféron α (IFNα) à la ribavirine est actuellement le traitement de référence de l’hépatite chronique C. Le bénéfice thérapeutique se fait au prix de nombreux effets indésirables liés classiquement à l’IFNα. En particulier, les troubles thymiques représentent la cause la plus fréquente de diminution (et d’arrêt) de traitement. Nous nous proposons dans cet article d’exposer : 1) les éléments de discussion sur la question de l’imputabilité des troubles thymiques induits par l’IFNα lors du traitement de l’hépatite C chronique ; 2) les différentes hypothèses élaborées pour éclairer leur physiopathologie. Imputabilité des troubles thymiques à l’IFNα : les principales sources d’équivoque en matière d’imputabilité de la dépression à l’IFNα sont, d’une part, que l’infection par le VHC s’accompagne d’une prévalence accrue de la dépression, et ceci en dehors de tout traitement antiviral et que, d’autre part, le taux de contamination dans les populations psychiatriques est plus élevé que dans la population générale. Ce dernier point est compréhensible aisément pour les usagers de drogues par voie veineuse mais est plus inattendu en cas de d’abus ou de dépendance d’alcool, d’atteinte alcoolique hépatique, d’hospitalisation pour retard mental, psychose ou démence, ou de psychotraumatisme. Malgré ces éléments confondants, l’imputabilité de troubles thymiques à l’IFNα lui-même repose sur des données nombreuses et variées. Tout d’abord, l’IFNα appartient à une famille de molécules, les cytokines, qui sont tenues pour responsables de la plupart des symptômes physiques et psychiques liés à l’infection et l’inflammation. Ensuite, de nombreuses équipes ont rapporté la survenue de manifestations psycho-comportementales chronologiquement consécutives au traitement IFNα : labilité émotionnelle (11 %), anxiété (14 %), irritabilité (32 %), difficultés de concentration (18 %), troubles du sommeil (37 %) et dépression (34 %), idées suicidaires (1,2 %), passages à l’acte suicidaires et troubles psychotiques aigus (épisodes délirants hallucinatoires ou interprétatifs sur terrain prédisposé). La fréquence des troubles thymiques est très variable, allant de 0 à 37 %. Cette variabilité peut être expliquée par l’hétérogénéité : 1) des posologies et des durées de traitements par interféron, 2) des populations de patients acceptés dans les protocoles thérapeutiques, notamment des critères d’exclusion relatifs à l’état psychiatrique ou à l’abus de substances, et 3) des méthodes d’évaluation de la dépression. Physiopathologie : tout d’abord, la nature des symptômes psycho-comportementaux peut être discutée, certains auteurs voyant dans certains d’entr...