IntroductionLa dépigmentation artificielle est une pratique très répandue en Afrique sub-saharienne. Le risque de survenue de cancers cutanés en lien avec la dépigmentation artificielle est souvent évoqué, mais n’a jamais été établi. Nous rapportons deux cas de carcinomes épidermoïdes survenus chez des femmes noires (phototype VI) utilisant des produits dépigmentants à visée cosmétique depuis 15 ans en moyenne.ObservationsDeux patientes, âgées respectivement de 45 et 47 ans, ont consulté en dermatologie pour des tumeurs cutanées. Toutes deux utilisaient depuis plus de dix ans des produits dépigmentants contenant des dermocorticoïdes et de l’hydroquinone. Les tumeurs étaient localisées sur des zones photo-exposées, dans un cas sur des lésions de dermite lichénoïde et dans l’autre sur des lésions d’ochronose exogène. L’examen anatomopathologique a confirmé le diagnostic de carcinome épidermoïde dans les deux cas. Une des deux patientes était infectée par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Une exérèse chirurgicale de la tumeur a été réalisée dans les deux cas, avec des suites opératoires simples chez une patiente, tandis que l’autre décédait à son domicile après une récidive.DiscussionÀ notre connaissance, il s’agit des deux premiers cas publiés de carcinomes épidermoïdes survenant sur des dermatoses induites par la dépigmentation cosmétique au long cours. Ces carcinomes siégeaient sur des zones photoexposées. Chez nos patientes, la carcinogenèse pourrait résulter de la destruction de la mélanine, de l’exposition solaire et de l’immunodépression induite par les dermocorticoïdes. Un effet carcinogène direct de l’hydroquinone ou d’autres substances non identifiées est également possible. Ces observations n’apportent pas la preuve formelle du rôle des produits dépigmentants dans la survenue des carcinomes épidermoïdes. Toutefois, elles doivent inciter à la vigilance chez les femmes s’adonnant à la dépigmentation artificielle.