IntroductionLa rosacée a de multiples composantes physiopathologiques, dont les principales sont les anomalies vasculaires et l’inflammation. La morphologie des vaisseaux dilatés de la rosacée peut suggérer qu’il s’agit de lymphatiques, augmentés en nombre et en taille. Nous avons mené une étude histologique puis immunohistologique pour quantifier ces anomalies dans la rosacée et les comparer à celles du lupus érythémateux.Patients et méthodesTous les cas de rosacée analysés pendant une période de quatre ans ont été revus. Seuls ont été inclus les 86 cas où une corrélation anatomoclinique et un suivi ont permis à un dermatologue de confirmer le diagnostic. Toutes les biopsies ont été relues pour en décrire l’histopathologie, puis 25 d’entre elles ont été comparées à 25 biopsies faciales de lupus érythémateux documenté, en coloration standard puis en immunohistochimie avec des anticorps anti-CD3, CD4, CD8 et CD20 (lymphocytes), anti-CD68 (histiocytes), anti-CD31 (cellules endothéliales) et anticorps anti-D2-40 (podoplanine, un marqueur des cellules endothéliales lymphatiques).RésultatsOn trouvait, dans 88 % des cas de rosacée, de grands vaisseaux dermiques superficiels de forme géométrique ou bizarre, avec des cellules endothéliales turgescentes et un œdème dermique fréquent. Des Demodex étaient présents dans plus de 75 % des cas, y compris dans les formes érythro-couperosiques. On trouvait en moyenne dans la rosacée 15 vaisseaux par mm2, dont huit exprimant D2-40 ; six avaient plus de 30 μ de diamètre (moyenne 103 μ, maximum 400 μ), dont seulement deux étaient D2-40+. Dans les biopsies de lupus, il y avait en moyenne 15 vaisseaux/mm2, dont neuf exprimant D2-40 ; quatre mesuraient plus de 30 μ de diamètre (moyenne 59 μ, maximum 100 μ), dont deux étaient D2-40+. Des vaisseaux de plus de 100 μ n’ont été notés que dans la rosacée et une élastose actinique notable y était associée dans 80 % des cas. Aucun Demodex n’était observé dans les cas de lupus. L’infiltrat lymphocytaire était majoritairement T CD4+ dans les deux groupes, mais plus souvent sous-épidermique dans le lupus, masquant parfois les petits vaisseaux du derme superficiel.DiscussionLa rosacée se caractérise par de grands capillaires dilatés anfractueux, plus nombreux et plus grands que dans le lupus, mais la densité vasculaire dermique n’est pas différente entre les deux maladies. Contrairement à ce que leur forme suggère, ces vaisseaux dilatés ne sont pas de nature lymphatique. Les vaisseaux D2 40+ (lymphatiques) sont en fait plus plats, présents dans le lupus comme dans la rosacée. L’association des grandes télangiectasies à une élastose actinique peut suggérer un rôle de l’exposition aux UV. Il existe vraisemblablement une augmentation de perméabilité de ces vaisseaux, se traduisant par un œdème dermique. L’inflammation est toujours présente, même dans les formes précoces, ce qui va dans le sens d’un double mécanisme inflammatoire et vasculaire.