Les troubles cognitifs sont une dimension centrale du trouble schizophrénique : ils sont fréquents, souvent d’intensité sévère et clairement associés au handicap dont souffrent les patients dans leur vie quotidienne. Ils ont été explorés à différents moments de l’évolution du trouble schizophrénique. Nos connaissances concernent cependant surtout la période déjà évoluée et chronique de la maladie, chez des patients d’âge moyen. Nous ferons ici un point sur ce que l’on sait des troubles cognitifs au moment du 1erépisode psychotique, c’est-à-dire lors d’une période importante du parcours de vie des patients, qui survient alors qu’il existe à la fois des attentes sociales importantes et complexes, et des modifications de l’organisation structurale et fonctionnelle cérébrale. L’exploration des troubles cognitifs lors du 1erépisode permet de mieux connaître leur décours temporel, de s’affranchir de difficultés d’interprétation liées à la chronicité de la maladie et de ses traitements, et de développer des prises en charge précoces visant à diminuer le handicap dans la vie quotidienne. Les perturbations cognitives classiquement observées chez les patients chroniques sont en grande partie déjà présentes, à la fois sur le plan quantitatif et qualitatif, lors du 1erépisode ; elles ne semblent donc pas expliquées par les traitements prescrits ou par la durée de la maladie, mais plutôt faire partie intégrante du trouble schizophrénique. Il existe encore des incertitudes concernant la chronologie de leur survenue : les difficultés cognitives sont déjà présentes chez un certain nombre de patients dès l’enfance ou l’adolescence, puis semblent s’aggraver, peut-être, pendant la période des prodromes précoces, c’est-à-dire plusieurs années avant l’émergence des symptômes psychotiques. Le fait de savoir s’il existe une altération directement liée à l’émergence psychotique lors du 1erépisode reste débattu. S’il est généralement admis l’existence d’un lien entre la durée de psychose non traitée (DUP) et un profil évolutif de la maladie plus sévère, cela n’est pas clairement montré pour le profil cognitif. De même, il n’a pas été montré de lien fort entre consommation cannabique ou tabagique et altérations cognitives supplémentaires, avec parfois même la mise en évidence d’une relation inverse. Les troubles cognitifs apparaissent comme une dimensión relativement indépendante des autres symptómes cliniques de la maladie, relevant d’une physiopathologie distincte et necessitant une évaluation systematique ainsi qu’une prise en charge therapeutique spécifique. Différents outils sont aujourd’hui disponibles pour les évaluer en pratique clinique. Cela est un préalable à leur prise en charge therapeutique. Les traitements médicamenteux ont jusqu’á présent montré peu ou pas d’effet procognitif, même si de nouvelles pistes pharmacologiques semblent prometteuses. C’est done vers les techniques de remédiation cognitive que s’orientent essentiellement les soins, d’autant que plusieurs études suggérent que leur effet serait plus marqué lors de cette période évolutive précoce, surtout si elles sont associées à des programmes de rehabilitation psychosiale, de soutien scolaire ou professionnel. Il nous semble que l’exploration et la prise en charge des troubles cognitifs des patients passera dans l’avenir par une collaboration entre psychiatres et neuropsychologues ainsi qu’entre systèmes sanitaire et médico-social.