IntroductionLe nombre croissant de cas de kératoacanthomes (KA) solitaires ou multiples, ou de carcinomes épidermoïdes (CE), sur des parties rouges de tatouages, tend à suggérer un lien non fortuit avec le tatouage. Nous rapportons ici deux présentations différentes : une forme de KA multiples éruptifs sur les zones rouges et photo-exposées d’un tatouage récent et une forme de lésion isolée typique sur les tracés d’un tatouage récent. Nous discutons les problèmes liés à la distinction entre KA et CE dans ce contexte particulier.ObservationsCas no 1 : un homme de 55 ans avec de nombreux tatouages présentait de multiples lésions kératosiques verruqueuses restreintes à un tatouage rouge. Celui-ci avait été réalisé par un tatoueur professionnel durant l’été 2016, la semaine précédant les symptômes. Une partie du tatouage était restée exposée au soleil et les lésions étaient strictement localisées aux tracés photo-exposés. En janvier 2017, le patient consultait avec une dizaine de lésions. L’analyse histologique d’une lésion prélevée par shaving était en faveur d’un CE à type de KA. L’examen clinique était sans particularité. Il n’avait aucun antécédent de cancer cutané. Deux semaines plus tard, une partie des lésions avait régressé. Sur la base de l’histoire clinique et des aspects histologiques, le diagnostic de KA éruptifs était finalement posé. Les lésions résiduelles étaient traitées par cryothérapie ou par exérèse. Cas no 2 : une femme de 72 ans présentait, trois semaines après un tatouage de l’avant-bras gauche, une lésion nodulaire douloureuse de 1 cm avec un cratère central. L’exérèse complète confirmait le diagnostic de KA.DiscussionÀ ce jour, 31 cas (17 hommes, âge médian 50,5 ans) de KA ou de CE sur tatouage ont été rapportés. Les lésions se développent le plus souvent rapidement, une semaine à quelques mois après le tatouage. Les cas survenus sur de « vieux » tatouages sont exceptionnels. La couleur rouge est le plus souvent concernée. La principale difficulté porte sur la distinction entre KA et CE. Actuellement, les pathologistes s’accordent à considérer le KA comme une variante de CE. Cependant, les formes éruptives de KA constituent une situation particulière. Elles peuvent avoir une cause génétique, et des KA associés à des traumatismes physiques ou des traitements médicaux ont été décrits. Comme d’autres auteurs, nous pensons que les CE sur tatouage rouge appartiennent plus au spectre du KA. La physiopathogénie des KA éruptifs sur tatouage est probablement multifactorielle, impliquant : le traumatisme induit par les aiguilles ; le processus inflammatoire et de cicatrisation ; un composant de l’encre rouge ; des facteurs environnementaux comme l’exposition aux UV durant la cicatrisation et une prédisposition personnelle. La survenue de KA solitaires ou éruptifs sur des tatouages récents est une complication non fortuite. Ces lésions doivent cependant être excisées et un suivi instauré. Des analyses toxicologiques sur des spécimens tumoraux sont nécessaires pour identifier la ou les molécules responsables de ces réactions au sein des encres.