Hépatectomies majeures après chimiothérapie intra-artérielle hépatique (CIAH) pour tumeurs du foie initialement non-résécables. Fréquence, problèmes techniques, résultats et indications.
Auteurs : Elias D1, Lasser P, Rougier P, Ducreux M, Bognel C, Roche ARappel : les hépatectomies après CIAH sont extrêmement rares dans la littérature parce que la CIAH, soit ne parvient pas à réduire suffisamment le volume tumoral, soit y parvient mais pendant une durée trop courte, et parce qu'elle détériore la fonction hépatique. Objectif : le but de cette étude a été de rapporter la fréquence, la faisabilité et les résultats d'hépatectomies faisant suite à une CIAH prolongée. Méthode : cette étude rétrospective a porté sur 14 patients qui avaient reçu un minimum de six cures de CIAH (moyenne : 17,6 médiane : 13 extrêmes : 6-48), pour des métastases d'origine colorectales (n = 9), d'origine neuro-endocrinienne (n = 4) et pour un hépatoblastome. Une chimiothérapie intraveineuse a été associée chez 8 patients, pendant (n = 5) ou après (n = 3) la CIAH. Initialement, ces tumeurs n'étaient pas résécables 10 fois, ou étaient éventuellement résécables, mais associées à des récidives extra-hépatiques volumineuses 4 fois. Tous les patients ont eu une hépatectomie majeure après une évaluation particulière sur les plans a) morphologique et b) fonctionnel hépatique. Une embolisation portale droite a été réalisée en préo-pératoire chez 3 patients et a permis d'obtenir des hypertrophies du lobe gauche de 38%, 44%, et 77% respectivement. L'hépatectomie a également été faite chez trois patients qui avaient une thrombose post-CIAH de l'artère hépatique, après une étude minutieuse de la néo-artérialisation hépatique. Résultats : ces 14 cas n'ont représenté que 5,8% des 239 patients chez qui nous avons posé un cathéter pour CIAH, ét 4,2 % des 335 patients qui ont eu une hépatectomie pour cancer. Il n'y a pas eu de décès post-opératoire ni d'insuffisance hépato-cellulaire clinique. Dix complications sont survenues chez 8 patients, imposant une réintervention chirurgicale dans 3 cas. Le parenchyme hépatique était histologiquement pathologique dans tous les cas. Les résultats concemant la survie sont encourageants : 5 des 9 patients porteurs de métastases d'origine colorectale sont indemnes de récidive après un recul moyen de 36 mois après le début de la CIAH. Conclusion : la décision de réaliser une hépatectomie après une CIAH prolongée est difficile à prendre, et doit reposer sur une évaluation morphologique des lésions comprenant un porto scanner, ainsi que sur une évaluation spécifique du caractère fonctionnel du parenchyme hépatique (dans notre expérience, le schéma décisionnel proposé par Makuuchi en cas de parenchyme cirrhotique a été très efficace pour cette évaluation). La réalisation de l'hépatectomie est techniquement difficile en raison de l'extrême friabilité du parenchyme et de l'hyperpression régnant dans le réseau veineux hépatique, après CIAH. Ces difficultés peuvent être surmontées en utilisant des techniques comme l'hypertrophie préopératoire du futur foie restant, un abord transparenchymateux des structures vasculo-biliaires, et un clampage intermittent du pédicule hépatique ou une exclusion vasculaire du foie. Les complications post-opératoires sont plus fréquentes qu'après les hépatectomies usuelles (p < 0,05). Toutefois, cette approche thérapeutique améliore notablement la survie de ces patients sélectionnés, et ne doit donc pas être négligée par les thérapeutes, même si son indication est rare.



