Dans cet article, les auteurs proposent d’étudier certains agirs alimentaires au regard de l’impact d’expériences prénatales et plus encore de leurs vécus, vivaces et encore particulièrement destructeurs chez les sujets devenus adultes. Les auteurs montrent comment, en particulier chez deux patientes rencontrées, ces agirs corporels et comportementaux que sont l’anorexie et la boulimie, loin de traduire une expression psychoaffective déficitaire chez ces jeunes femmes, constituent la trace incarnée et expressive de traumas fœtaux liés à la destructivité maternelle (réelle ou symbolique). Faute d’avoir pu être métabolisées par l’objet maternel (ou l’environnement plus largement), ces expériences traumatiques, constitutives et organisatrices du lien mère-enfant, apparaissent avoir été engrammées chez les sujets sur le mode historique même selon lequel elles ont été vécues, en l’occurrence le mode corporel et sensoriel. À cet égard, les agirs alimentaires venant actualiser, rendre perceptibles ces vécus primitifs incorporés, ne relèveraient pas tant d’une compulsion de répétition mortifère que d’une compulsion de symbolisation s’effectuant ici sur un mode corporel, préalable ou prémisse à toute autre modalité – nettement plus psychique – de symbolisation et de subjectivation.