Résumé Les mères célibataires représentent actuellement environ un quart des familles monoparentales françaises. Parmi celles-ci, les jeunes mères célibataires hébergées dans des centres maternels constituent une population à haut risque. Pour la plupart, il s’agit de femmes carencées affectivement et isolées socialement, qui se trouvent au cours de la grossesse ou peu après la naissance de l’enfant en situation de conflit, de rejet ou de rupture avec leur conjoint et leur entourage familial. Malgré ces risques, une revue détaillée de la littérature permet de constater que très peu de recherches ont été effectuées sur cette population. Dans cet article, nous nous proposons d’étudier l’accès à la parentalité de ces jeunes mères (N = 28), en nous centrant en particulier sur le vécu de la grossesse et le désir d’enfant. Dans cette démarche, nous avons mené des entretiens cliniques au cours du troisième trimestre de grossesse et avons également disposé d’un groupe témoin, constitué de mères vivant en couple (N = 20). Les résultats, illustrés par des extraits d’entretiens, montrent que la grossesse des jeunes mères célibataires semble cristalliser une tentative désespérée de rompre avec le passé, tout en les ramenant à une situation sociale précaire et de grande détresse psychologique. La majorité de ces femmes présente d’importantes difficultés à élaborer tant le sens que le vécu corporel de leur grossesse. Le désir d’enfant et leur enfant imaginaire apparaissent souvent associés aux notions de salut, de réparation et de comblement de leurs blessures narcissiques ainsi que de réparation de leurs imagos parentaux perçus comme défaillants. Ces données confirment leur statut de population à haut risque psychologique et attirent l’attention sur l’intérêt de la mise en place d’un suivi psychologique déjà au cours de la grossesse.