IntroductionPeu d’études basées sur la population sont disponibles sur les mélanomes muqueux primitifs (MMP). Notre objectif principal était d’évaluer la survie spécifique des MMP dans leur ensemble et selon la localisation et d’identifier des facteurs pronostiques. L’objectif secondaire était d’estimer l’incidence globale des MMP comparée aux mélanomes cutanés et de préciser la fréquence relative de chaque localisation.Matériel et méthodesÉtude rétrospective basée sur la population des cas incidents de MMP de 2004 à 2014, utilisant l’Observatoire du Mélanome en Champagne-Ardenne (1,34 millions d’habitants).RésultatsTrente-neuf cas ont été identifiés : 17 MMP « ORL » (13 nasosinusiens, 4 oraux) ; 12 vulvovaginaux ; 6 conjonctivaux et 4 ano-rectaux. Vingt-cinq des trente-neuf patients (64 %) sont décédés. La survie spécifique (SS) médiane était de 23,9 mois et le taux de SS à 5 ans de 31,8 %. Les courbes de SS globale et par localisation sont présentées dans les Figures 1 et 2. Les analyses univariée et multivariée ont identifié comme facteurs de mauvais pronostic au diagnostic la taille tumorale (0,7 à 60 mm, médiane : 23) et la présence (30 % des cas) de métastases ganglionnaires macroscopiques (et non microscopiques « sentinelles ») ou de métastases viscérales, tandis que l’indice de Breslow (médiane : 8 mm) et l’ulcération (78 % des cas précisés) étaient souvent non précisés (41 %) et n’avaient pas de valeur pronostique. Comparés aux autres localisations, les MMP conjonctivaux étaient plus petits et de meilleur pronostic (Figure 2). Parmi les MMP nasosinusiens, la SS était meilleure pour les tumeurs limitées à la fosse nasale que pour celles envahissant un sinus (p = 0,01). Le taux d’incidence annuelle était de 0,18/100 000 et le ratio d’incidence MMP/mélanome cutané de 1/50.DiscussionNotre étude établit sans biais de recrutement, sur une base de population française, la fréquence relative des différents MMP et confirme (à l’exception des mélanomes conjonctivaux) leur pronostic très sombre, lié à une forte masse tumorale, voire à une extension métastatique au diagnostic (30 %). Les facteurs pronostiques classiques (Breslow, ulcération) ne sont pas adaptés aux MMP. Un dépistage précoce semble illusoire.ConclusionL’amélioration du pronostic de ces mélanomes redoutables nécessitera le développement de thérapies ciblées visant des mutations spécifiques, encore mal identifiées actuellement.