IntroductionLe début d’un lupus érythémateux systémique (LES) après 50 ans est une éventualité rare. La symptomatologie est souvent atypique avec une évolution plutôt bénigne. La gangrène digitale chez les patients atteints de LES est peu fréquente, rapportée surtout chez des sujets d’âge moyen ayant une longue durée d’évolution de leur maladie. Nous rapportons l’observation d’un patient de 53 ans, avec un LES dont la manifestation initiale était une nécrose digitale extensive.ObservationMonsieur SA, patient âgé de 53 ans, agriculteur de profession, admis le 21 novembre 2013 pour une cyanose des doigts. Aux antécédents de ce patient on notait un tabagisme chronique à raison de 30 paquets/années, sans cannabisme. L’histoire clinique du patient remontait au 18 novembre 2013, quatre jours avant son admission, par l’installation brutale d’une cyanose des extrémités des membres supérieurs sans phénomène de Raynaud ni autre signe. L’examen clinique trouvait : une froideur avec cyanose des doigts sans troubles trophiques ni sclérodactylie ou ulcération pulpaire. L’examen cardiovasculaire objectivait une diminution des pouls radial et ulnaire au niveau du membre supérieur droit. À l’examen général, il existait des œdèmes des membres inférieurs blancs mous et qui prenaient le godet, avec à la bandelette urinaire une protéinurie (+++) sans hématurie microscopique. Le reste de l’examen clinique était normal. Un doppler artériel des membres supérieurs était réalisé en urgence mais dont les résultats étaient peu contributifs avec un vasospasme artériel sans thrombose ni anomalie pariétale. La capillaroscopie était normale. L’hémogramme montrait une lymphopénie isolée 650 éléments/mm3. La vitesse de sédimentation était accélérée à 75 mm et la protéine C-réactive légèrement augmentée à 15 mg/L. Il y avait une hypoalbuminémie et une hypoprotidémie avec une protéinurie des 24 h à 0,60 g/24 heures. Le bilan lipidique, les sérologies des hépatites B, C, la sérologie pour le VIH et le TPHA-VDRL étaient négatifs de même que le dosage de cyoglobulinémie. Les anticorps antinucléaires, anti-ADN et anti-SSA étaient positifs à des taux respectivement de 1/1280, 28 et 64. Les anticorps anticardiolipine, anti-β 2-glycoprotéine, l’anticoagulant lupique, les anticorps anti-SSB, anti-Sm, anti-RNP, anti-topo-isomérases I et anticentromères ainsi que les anticorps des polynucléaires neutrophiles étaient négatifs. Le diagnostic de maladie lupique était posé. Une corticothérapie sous forme de bolus de méthylprednisolone avec relais 1 mg/kg/j d’équivalent prednisone était instaurée. Le traitement comportait également des inhibiteurs calciques et un traitement anti coagulant. Devant la non-amélioration clinique, le recours à d’autres traitements vasodilatateurs était nécessaire à base d’analogue de prostacycline. L’évolution était défavorable avec installation rapide de gangrène digitale extensive. Le patient était mis sous immunosuppresseur type cyclophosphamide 0,7 g/m2, ayant permis de stopper l’extension des lésions et la réalisation d’une amputation des doigts.ConclusionLa gangrène digitale est une complication exceptionnelle du LES à déclaration tardive. Sa connaissance est essentielle afin d’instaurer un traitement précoce et agressif par corticoïdes et immunosuppresseurs permettant de prévenir l’amputation.