L’artère épigastrique inférieure est séparée des viscères abdominaux par le fascia transversalis et par le péritoine. Pendant les contractions du muscle grand droit de l’abdomen, en particulier lors des efforts de toux, la longueur du muscle se modifie et, si l’artère ne peut pas glisser librement avec le muscle, une rupture vasculaire est possible avec formation d’un hématome.Les auteurs rapportent une observation d’hématome spontané du muscle grand droit de l’abdomen (HSMGD) survenu chez une multipare de 32 ans, G6 P3, sans antécédent particulier, admise en urgence à 35 semaines d’aménorrhée (SA) pour une menace d’accouchement prématuré, après avoir erré pendant un mois sur un bateau en provenance de Somalie ; elle présente une fièvre à 38̊ et une toux rebelle avec des crachats hémoptoïques, mises en relation ultérieurement avec une pneumopathie àCandidadubliniensis. La hauteur uterine est de 36 cm, l’utérus est souple ; il n’y a pas de métrorragies. Il existe, en échographie d’admission, dans le quadrant supérieur gauche de l’abdomen une masse échogène de 48 × 31 mm intimement en rapport avec l’utérus, interprétée comme étant un fibrome.Cinq jours plus tard, la patiente se plaint de douleurs parietals intenses de l’hypocondre gauche sans trouble du transit. L’examen clinique retrouve une contracture majeure le long de la face latérale gauche de l’utérus sans métrorragie ; il n’y a pas de masse palpable. Les deux principaux diagnostics differentials que constituent l’hématome rétro-placentaire et la nécrobiose d’un fibrome pouvaient être écartés, d’une part sur l’existence en échographie d’une masse oblongue en coup longitudinale avec un centre hypoéchogène correspondant au muscle et un aspect hétérogène cloisonné en périphérie en rapport avec l’hématome et sur l’absence de flux sanguine Doppler dans la masse, d’autre part sur la normalité d’insertion du placenta bien visible en situation antérieure. Dans cette observation, une césarienne a été réalisée en urgence à 35 SA devant une chute de 40 % de l’hémoglobine maternelle et des anomalies du rythme cardiaque foetal (tracé plat et ralentissements tardifs).Ce n’est que dans les formes volumineuses d’HSMGD, où les relations entre la masse et la paroi abdominale ne sont pas clairement établies par l’échographie que certains proposent de réaliser, malgré l’état de grossesse, une tomodensitométrie qui montre typiquement des aspects hyperdenses, avec la possibilité d’un niveau liquidien. Le traitement des formes légères et stable d’HSMGD doit être conservateur afin d’éviter une prématurité iatrogène, principale cause d’une mortalité périnatale estimée à 34 %. Cependant, en cas de formes évolutives avec des signes d’irritation péritonéale, de douleurs importantes, de signes digestifs ou urinaires, de surinfection ou d’anémie aiguë, l’évacuation de l’hématome s’impose avec la ligature des vaisseaux qui saignent et la mise en place d’un drainage. Un diagnostic précoce doit réduire la mortalité maternelle, évaluée par Ramirezetal. avant 1975 à 11 %. La césarienne ne s’impose que pour des indications foetales, comme la souffrance hypoxique de notre observation.