ObjectifL’augmentation de l’incidence des cancers depuis ces dernières années, et donc du nombre de médicaments anticancéreux administrés, soulève la question de l’exposition professionnelle à ces molécules, d’autant qu’elles font partie de la liste « des médicaments dangereux à la manipulation » du fait de leur(s) potentiel(s) effet(s) mutagène et/ou cancérogène et/ou toxique pour la reproduction[1]. Afin d’évaluer les niveaux d’exposition à ces molécules chez les professionnels de santé, des outils analytiques performants permettant une Surveillance Biologique de l’Exposition Professionnelle (SBEP) doivent être développés. Les anthracyclines sont des médicaments anticancéreux largement prescrits dans le traitement de divers cancers. L’objectif de ce travail a été la mise au point d’une méthode de haute sensibilité par UHPLC-MS/MS pour la recherche et la quantification de ces molécules dans les urines de professionnels de santé potentiellement exposés.MéthodesUne méthode de dosage a été développée et validée par UHPLC-MS/MS (Shimadzu UFLCXR – Sciex QTRAP®5500 system) à l’aide d’une colonne analytique de type Phényl-hexyl (2,1 × 100 mm ; 1,7 μm, Acquity®, Waters) maintenue à 50 °C. La phase mobile se compose d’un mélange d’eau (0,01 % d’acide formique + acétonitrile) évoluant selon un gradient de concentration avec un débit à 0,4 mL/min. Cette méthode permet le dosage simultané de la doxorubicine, de l’épirubicine et de la daunorubicine dans les urines après une extraction solide-liquide (cartouche HLB 60 mg Oasis®, Waters). Après validation, cette méthode a été appliquée dans le cadre d’une SBEP sur des urines de professionnels exposés à des anthracyclines lors de la préparation et/ou de l’administration et/ou en contact avec des patients traités. Chaque participant a fourni un échantillon urinaire en fin de journée de travail. Tout prélèvement supérieur à la Limite de Quantification (LDQ) a été considéré comme positif.RésultatsLa méthode validée pour les 3 molécules présente une bonne linéarité (10 à 500 pg/mL,r > 0,99) avec une LDQ de 10 pg/mL. Dix-sept urines provenant de 17 personnels de santé exposés aux anthracyclines ont été recueillies. Au total, 1 échantillon sur 17 (soit 5,9 % des sujets) est contaminé en doxorubicine ; la concentration urinaire mesurée est de 218 pg/mL.ConclusionL’utilisation d’outils analytiques aussi performants en termes de sensibilité et de spécificité est indispensable en Santé au Travail dans le cadre de la SBEP aux médicaments anticancéreux. Avec une LDQ de 10 pg/mL, inférieure à celles des méthodes publiées (100 pg/mL pour la doxorubicine et l’épirubicine et 30 pg/mL pour la daunorubicine[2]), cet outil permet d’améliorer la surveillance de l’exposition professionnelle et la prévention en Santé au Travail.