Neurobiologie de l'impulsivité, de l'agressivité et de la violence : Violence et psychiatrie
Auteurs : HAMON M1, BOURGOIN S1, MARTIN P2Les investigations biologiques dans le domaine de l'agressivité et de la violence sont relativement récentes et ont d'abord porté sur des paramètres périphériques, tels que les caractéristiques particulières du rythme cardiaque ou encore les taux sanguins de certains métabolites ou hormones. En dépit de leur caractère systématique et a priori non (ou peu) ciblé, ces recherches ont permis de mettre en évidence des particularités biologiques qui ont pu secondairement être mises en relation avec d'autres particularités, neurobiologiques cette fois, concernant certains neurotransmetteurs dans le système nerveux central. C'est ainsi, par exemple, qu'on a pu lier l'accroissement des manifestations agressives (impulsives) chez certains sujets à la suite d'une diminution de l'apport alimentaire en tryptophane (acide aminé essentiel, non synthétisé par l'organisme) à un ralentissement d'activité des neurones sérotoninergiques (qui utilisent la sérotonine - ou 5-hydroxytryptamine [5-HT] - comme neuromédiateur) cérébraux. En parallèle, le développement de modèles animaux pertinents, en particulier chez les rongeurs (rat, hamster, souris, y compris des lignées génétiquement modifiées), mais aussi chez les primates, a permis d'affiner les connaissances sur les neuromédiateurs et les neurohormones, tels que les monoamines et certains neuropeptides impliqués dans le contrôle et l'expression de comportements impulsifs et agressifs et le passage à l'acte violent. De plus, les données issues de ces travaux ont pu être croisées avec celles qui concernent les mécanismes d'action neurobiologiques de psychotropes agissant sur ces comportements, en particulier les neuroleptiques, les thymorégulateurs, les antidépresseurs, les tranquillisants/anxiolytiques. Enfin, le développement récent des techniques de neuro-imagerie laisse augurer une nouvelle ère dans les recherches sur les mécanismes neurobiologiques qui sous-tendent les comportements impulsifs, agressifs et violents, grâce à l'identification des circuits neuronaux concernés. D'ores et déjà, les données obtenues dans ce cadre s'inscrivent dans une certaine cohérence avec les observations antérieures chez des sujets cérébro-lésés et suite à des lésions anatomiques précises chez l'animal. Les unes et les autres pointent les structures limbiques (hypothalamus, septum, amygdale, noyau de la strie terminale) et le cortex cingulaire antérieur et orbito-frontal comme étant les zones cérébrales qui présentent des modifications d'activité directement en relation avec des manifestations comportementales impulsives, agressives et violentes. De fait, on sait aujourd'hui que les structures limbiques jouent un rôle clé dans le contrôle des émotions, et que la capacité de self-control, la motivation et le passage à l'acte mettent en jeu les cortex cingulaire antérieur et orbito-frontal. Or, c'est précisément au niveau de ces régions qu'on observe des modifications d'activité des systèmes neuronaux utilisant les monoamines et autres neuropeptides qui jouent manifestement un rôle dans l'expression et le contrôle de ces comportements. Certes, les connaissances restent limitées, mais il est désormais possible de dresser un tableau relativement cohérent des systèmes neuronaux concernés par l'impulsivité, l'agressivité, la violence, et de leur modulation par des psychotropes.