L'utilisation de la digoxine chez les insuffisants cardiaques en rythme sinusal est discutée depuis plus de 200 ans. La plupart des données positives sur la digoxine sont tirées d'études dans lesquelles la digoxine était interrompue, et ont donc été souvent critiquées. Plusieurs études prospectives, randomisées, en double aveugle, publiées ces dernières années, ont jeté un nouvel éclairage sur la valeur et la place de la digoxine dans le traitement de patients en insuffisance cardiaque et en rythme sinusal. En outre, les résultats préliminaires de l'étude DIG, une grande étude sur la mortalité, a fourni d'importantes informations nouvelles sur cette drogue. Le résultat le plus important de cette étude est que l'effet de la digoxine est neutre sur la mortalité globale de patients en insuffisance cardiaque. Cependant, la digoxine a diminué significativement le nombre de décès dus à une aggravation de l'insuffisance cardiaque, et les hospitalisations en rapport avec cette aggravation, résultats qui suggèrent que la digoxine pourrait ralentir la progression de la maladie. Bien que les résultats finaux ne soient pas encore publiés, ils ne semblent pas s'orienter dans une direction unique, et il est dès lors probable que la controverse concernant cette drogue continuera. A partir de ces nouvelles données et d'autres développements concernant la physiopathologie et le traitement de l'insuffisance cardiaque, plusieurs points concernant la valeur et l'utilisation de la digoxine ont été précisés. 1 - Vu l'importance généralement admise de l'activation neuro-humorale dans la physiopathologie de l'insuffisance cardiaque, les effets neuro-humoraux bénéfiques récemment démontrés de la digoxine (concernant son influence sur la fonction du baro-récepteur et la variabilité sinusale) semblent prometteurs. 2 - Bien que la digoxine semble plus efficace dans l'insuffisance cardiaque évoluée, plusieurs études nouvelles semblent montrer qu'elle peut être également utile a des stades moins évolués de la maladie. Dans cette situation cependant, il est par définition plus difficile de mettre en évidence un effet significatif de la drogue, et des études dans ce groupe de patients devront être réalisées avec un nombre plus grand et un suivi plus long, comme cela a été fait avec les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (99). 3 - Des posologies relativement élevées de digoxine étaient habituellement utilisées, mais les données récentes suggèrent que des doses plus faibles peuvent être aussi efficaces. Avec ces plus faibles doses, moins d'effets secondaires surviennent, ce qui peut améliorer le confort de vie subjectif des patients. 4 - Les patients ayant un infarctus récent ou semi-récent ne devraient en général pas être traités par la digoxine, qui pourrait être utilisée avec précaution quand il existe une insuffisance cardiaque. La digoxine ayant dans le passé souvent été utilisée chez ces patients, les résultats négatifs de certaines études publiées pourraient en partie s'expliquer par ce facteur. Enfin, d'autres facteurs peuvent avoir joué un rôle dans le déclin de la digoxine dans l'insuffisance cardiaque, notamment l'utilisation croissante des inhibiteurs de l'enzyme de conversion, et le faible coût de la digoxine, qui rend la recherche sur cette drogue moins attractive pour les laboratoires pharmaceutiques.